Violences sexistes : les reconnaître, les comprendre et y faire face
Être un·e allié·e contre les violences sexistes en Afrique : comprendre, écouter, agir.
“En Afrique subsaharienne, près de 33% des femmes ont déjà subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, selon l’OMS. Pourtant, la majorité de ces violences restent invisibles, banalisées ou tues.”
Les violences sexistes en Afrique ne se limitent pas aux coups. Elles traversent nos vies sous des formes multiples: physiques, psychologiques, économiques, institutionnelles, symboliques et numériques. Comprendre ces réalités, c’est déjà un premier pas pour mieux soutenir les victimes et devenir un·e véritable allié·e.
1- Comprendre les violences sexistes en Afrique
En Afrique, les violences basées sur le genre touchent encore un grand nombre de femmes. Ces violences prennent des formes variées : violences conjugales, mariages précoces, mutilations génitales féminines, agressions sexuelles, traite des êtres humains, et violences économiques ou psychologiques.
En Afrique, d’après l’ONU Femmes Afrique et l’ OMS — Violence contre les femmes les violences prennent des visages particuliers :
- Mariages précoces et forcés,
- Mutilations Génitales Féminines (encore pratiquées dans 28 pays),
- Violences conjugales largement tolérées dans certaines sociétés,
- Soyez vigilant lorsque vous communiquez des informations personnelles, intimes ou sensibles. De même s’il s’agit d’informations concernant d’autres personnes. (cas du cyber harcèlement),
- Dépendance économique forte qui empêche de quitter un conjoint violent,
- Cyberviolences croissantes avec l’essor des réseaux sociaux.
Rouguiatou, victime d’excision et de violences conjugales nous raconte son histoire : [https://www.axellemag.be/rouguiatou-excision-violences-conjugales/].
Je vous invite donc à lire celle de Nina aussi pour voir de plus près ce que ça fait de vivre tout ça : [https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/temoignage-nina-victime-de-violences-conjugales-pendant-de-nombreux-mois-raconte-son-calvaire-8078619]
Les différentes formes de violences sexistes
1. Physiques
L’ennemi n’est jamais loin. Chaque jour, 140 femmes sont tuées par leur conjoint, un proche ou un membre de leur famille. Et oui !
Le 2 octobre 2024, a été publié un article bbc.com :
La Côte d’ivoire fait face à une recrudescence des féminicides ces dernières années. La Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes a récemment tiré la sonnette d’alarme, citant un rapport de l’association féministe du pays, qui indique que seulement en 2020, environ 416 femmes en ont été victimes.
C’est le meurtre le 11 septembre 2024, d’une jeune femme dans la capitale économique Abidjan, qui est venu raviver l’inquiétude au sujet des féminicides dans le pays.
Le corps sans vie de la jeune fille âgée de 19 ans, a été retrouvé dans une résidence meublée à Cocody deux-Plateaux, vallon dans l’Est d’Abidjan.
Interpellé par la police, le présumé meurtrier qui aurait entretenu une relation avec la victime, selon les médias locaux, est vite passé aux aveux.
“Il a avoué avoir donné la mort à sa victime à l’aide d’un couteau le 07 septembre 2024. Il évoque comme motif que la fille lui aurait volé son argent d’un montant de 500.000 FCFA”, a fait savoir la police dans une note d’information.
🔗 Sources : [https://www.bbc.com/afrique/articles/cj4d2128rxwo]
Et il y a pleins de cas comme cela… coups, agressions, violences conjugales, mutilations génitales féminines.
➡️ Exemple : selon l’UNICEF, plus de 200 millions de filles et de femmes vivant aujourd’hui ont subi une MGF, majoritairement en Afrique.
Selon les résultats de l’enquête d’Afrobaromètre au Togo en mars 2022, menés par le Centre de Recherche et de Sondages d’Opinion (CROP), pour près de la moitié des Togolais, il est justifié que l’homme bat sa femme lorsque celle-ci pose un acte qu’il n’a pas aimé. Les Togolais préfèrent que les violences conjugales soient gérées en privée plutôt qu’en suivant des procédures pénales. D’après les répondants, une femme victime de VBG et qui porte plainte sera prise au sérieux par la police, mais risque d’être échangée, harcelée ou humiliée par la communauté. La majorité des Togolais bénéficie bien des efforts fournis par le gouvernement pour promouvoir les droits des femmes, mais exigeant encore davantage.
Plus spécifiquement :
- Plus du quart des Togolais disent qu’il est « assez courant » (22%) ou « très courant » (6%) pour les hommes d’utiliser la violence contre les femmes.
- Près de la moitié (47%) des Togolais pensent qu’il est « parfois » ou « toujours » justifié qu’un homme bat sa femme — une augmentation de 11 points de pourcentage par rapport à 2017 (36%).
- Environ deux tiers (64%) des Togolais soutiennent que la violence domestique est une affaire familiale plutôt qu’une affaire pénale.
- La majorité des répondants déclarent qu’il est probable que la police prenne au sérieux une plainte d’une victime de VBG (91%), mais que la plaignante risque d’être harcelée ou évoquée par sa communauté (61%).
- Une large majorité des Togolais sont d’accord avec la performance du gouvernement dans la promotion des droits des femmes (81%), mais estiment que ce dernier doit faire « un peu plus » ou « beaucoup plus » dans ce secteur (82 %).
2. Psychologiques
Ce cas est très fréquent en milieu scolaire : Gaslighting, isolement, humiliations. Ces violences invisibles sont très présentes dans les relations conjugales aussi.
Elle consiste à provoquer de la peur par l’intimidation ; à menacer de se nuire à soi-même, à son partenaire ou à ses enfants, à détruire des biens, voire des animaux de compagnie ; à jouer un « jeu psychologique » ou manipulateur ; ou à obliger à l’isolement de la personne, en la privant de voir ses amis, sa famille, d’aller à l’école ou au travail.
Très proche de la violence émotionnelle qui consiste à miner le sentiment d’estime de soi d’une personne par le biais de critiques constantes, à la déconsidérer en minimisant ses capacités, à la traiter de tous les noms ou à proférer des menaces verbales, à nuire à la relation du partenaire avec ses enfants ou encore à ne pas le/la laisser voir ses amis et/ou sa famille.
3. Économiques
Dans plusieurs pays africains, les femmes n’ont pas le même accès aux ressources, à l’héritage ou à la terre. Certaines sont volontairement privées de moyens financiers pour rester dépendantes.
4. Institutionnelles
Justice qui minimise les plaintes, absence de protection des victimes, discriminations à l’embauche. Exemple : dans certains pays, porter plainte contre un conjoint violent reste très difficile pour une femme.
5. Symboliques
Publicités, chansons et films véhiculant des stéréotypes sexistes : la femme réduite à un objet, au foyer, ou sexualisée.
6. Cyberviolences
Une épidémie silencieuse… Avec la montée en puissance de Facebook, WhatsApp et TikTok, le harcèlement en ligne, le chantage aux photos intimes et le cybercontrôle explosent.
Dans le sillage d’un cas d’harcèlement choquant en Tunisie, les regards se tournent vers la situation alarmante de la violence contre les enfants en ligne. Les mots du Président de l’Association de défense des droits de l’enfant, Mr. Moez Cherif, résonnent avec une urgence particulière, révélant que les dernières statistiques révèlent que 83% des enfants tunisiens sont exposés à la violence sous différentes formes. Ces chiffres alarmants ne font que confirmer l’ampleur dévastatrice de l’épidémie silencieuse du cyberharcèlement qui sévit en Afrique francophone.
🔗 Sources : [https://cybersecuritymag.africa/cyberharcelement-en-afrique].
Sur rfi.com [https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240422-tunisie-cyberviolence-dissuade-femmes-lancer-engager-politique-activisme-violences-genre-sexisme-misogynie-internet-web-reseaux], nous découvrons cette histoire de Hayet Ahlemi :
Une ex-vice-présidente de conseil municipal à Kasserine, au centre-ouest du pays, a été victime d’attaques sur les réseaux sociaux en 2021 après avoir voulu dénoncer une affaire de corruption. « C’est allé très loin après que j’ai porté plainte dans cette affaire qui mettait en cause la gestion des biens publics au sein de la municipalité : un conseiller municipal m’a giflée devant tout le monde, et ensuite, le harcèlement a commencé sur le Net, raconte-t-elle. On a attaqué mon apparence physique, on m’a traitée de non-croyante et de mauvaise musulmane… »
Comment réagir face à une victime ?
En Afrique, où parler de violences peut être vu comme une honte familiale, l’écoute bienveillante est encore plus cruciale.
- Éduquer les enfants garçons sur le respect de la gente féminine : Tout part de l’éducation et du milieu.
- Écouter sans juger : ne pas dire “c’est normal” ou “supporte pour tes enfants”.
- Valider la parole : dire “Je te crois”, “Tu n’es pas responsable”.
- Proposer un soutien concret : accompagner vers une ONG locale ou une association.
- Respecter son rythme : beaucoup de femmes craignent le rejet social si elles quittent leur conjoint.
- Respecter le consentement de l’autre : Non signifie Non, et Oui signifie Oui. Le consentement est l’accord donné par une personne à une autre pour avoir des relations sexuelles ou pour se marier. Il doit être donné librement et expressément. Il n’est pas possible de parler de consentement lorsqu’une personne est sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool, ou est mineure. Le consentement est une décision unique, ce qui signifie que le consentement à un acte n’implique pas le consentement à d’autres actes, et il est réversible, ce qui signifie qu’il peut être retiré à tout moment.
Ressources utiles en Afrique :
- Togo : Ligne verte 8264 (Femmes victimes de violences).
- Bénin : 138 (numéro gratuit pour violences basées sur le genre).
- Sénégal : 116 (enfance et femmes en détresse).
- Afrique francophone : Réseau Panafricain des Femmes et associations locales comme Wildaf, Afad, etc.
Être un·e allié·e / Que faire en tant que témoin ?
- Rompre le silence : ne pas normaliser les violences en disant “ça se règle en famille”.
- Soutenir la victime : proposer de l’accompagner dans ses démarches.
- Éduquer et sensibiliser : dans son entourage, dénoncer les propos sexistes, encourager les jeunes à une autre vision du couple.
- Utiliser les réseaux sociaux : pour donner de la visibilité aux associations locales.
Pourquoi c’est l’affaire de tou·te·s en Afrique
Les violences sexistes entretiennent les inégalités et bloquent le développement.
👉 Selon la Banque mondiale, “les violences faites aux femmes ont un coût économique énorme, représentant jusqu’à 3,7% du PIB dans certains pays”.
En Afrique, où la jeunesse et l’innovation sont des forces, réduire ces violences est une condition essentielle pour bâtir une société plus équitable et plus prospère.
Les violences sexistes en Afrique prennent des formes multiples, certaines très visibles, d’autres insidieuses. Les reconnaître, c’est déjà résister. Mais l’essentiel est d’agir : écouter, soutenir, dénoncer, sensibiliser.
🌱 Le silence protège l’agresseur. La parole, elle, sauve des vies.
Irène AMEDJI
Cet article a été rédigé par Irène AMEDJI le 20/08/2025 dans le cadre de la bourse WanaData 2025 soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth, financé par le Partenariat européen pour la Démocratie (EPD).