Election présidentielle au Cameroun : les femmes encore à la traîne
Depuis l’avènement du multipartisme en 1990, la participation féminine est particulièrement faible. Briguer la magistrature suprême ne convainc pas une masse de femmes, malgré les initiatives prises pour leur plus grande participation.

Une seule femme fait partie des douze candidats retenus pour l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun. Patricia Tomaino Ndam Njoya brigue ce poste pour la première fois en qualité de présidente nationale de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), après avoir remplacé à ces fonctions et à cette candidature son défunt époux, Adamou Ndam Njoya. Patricia Ndam Njoya n’est pas non plus une novice en politique, puisqu’elle demeure, avant le scrutin présidentiel, maire de la commune de Foumban dans le département du Noun, région de l’Ouest, après avoir été, pendant plusieurs années, député de la nation à l’Assemblée nationale. En 2025, cette femme politique est donc l’unique candidat de sexe féminin qui va compétir pour prendre le destin du pays entre les mains.
A l’observation, la participation des femmes comme candidates à ce poste n’est toujours pas entraînante, malgré les initiatives de sensibilisation, les multiples séminaires et ateliers d’empowerment ou les engagements pris par certains leaders pour veiller à ce que les femmes occupent davantage de postes de pouvoir. L’élection présidentielle de 2025 marque une reculade par rapport à la précédente élection de 2018. Le pays avait déjà enregistré deux candidats. A savoir Edith Kahbang Walla, présidente du Cameroon People’s Party d’une part, et Esther Dang du Bloc pour la reconstruction et l’indépendance économique du Cameroun (BRIC), d’autre part. La participation de ces deux dames a fait grimper le curseur de la participation des femmes à ce scrutin.
Depuis l’avènement du multipartisme et donc, de plus de liberté d’expression en 1990, le Cameroun a ratifié plusieurs textes de loi supra-nationaux qui garantissent l’équité entre les hommes et les femmes dans divers secteurs. La participation politique et citoyenne en fait partie. Sauf que depuis lors, seules quatre femmes ont eu le courage de lever la tête pour proposer à l’ensemble des Camerounais leur alternative pour une nouvelle gouvernance. 35 ans plus tard, elles peinent à se classer dans le top 3 des profils pour lesquels les électeurs se mobilisent le plus
Même si les résultats au final n’ont pas toujours joué en faveur des unes et des autres, il demeure dans l’Histoire qu’elles ont été présentes à ce moment. En effet, les candidates déclarées et retenues pour chaque scrutin ont la possibilité d’avoir aux données chiffrées auprès d’Elections Cameroon (Elecam). Qui sont ces femmes qui cassent les codes et se voient déjà diriger un pays comme le Cameroun ? Que proposent-elles? Tour d’horizons de ces femmes, “candidates présidentes”.
Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : Nouvelle recrue, ancienne engagée

Engagée dans la vie politique du Cameroun depuis plus de 30 ans, Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, 56 ans, en veut plus. Après avoir été élue à la tête de l’Union des démocrates camerounais (UDC) au lendemain du décès de son époux, Adamou Ndam Njoya le 7 mars 2020, Patricia Tomaïno veut le plus gros morceau : le siège de présidente de la République. Un siège convoité et voulu par son époux, Adamou Ndam Njoya, au cours des scrutins de 1992, 2004, 2011 et 2018. La seule année à laquelle l’UDC ne participe pas à l’élection présidentielle en 1997, c’est parce que le parti choisit de boycotter. Comme deux autres formations politiques majeures du pays à cette époque. A savoir, le Social Democratic Front (SDF) et l’Union nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP). Patricia Tomaino n’est jamais loin de la chose politique. Puisqu’elle montre déjà son intérêt pour le siège parlementaire qu’elle va briguer et remporter sous l’effigie de l’UDC en 2007. En 2020, elle renonce à revenir au Parlement et choisit de postuler comme maire à la commune de Foumban, département du Noun, dans la région de l’Ouest au Cameroun. Elle remportera les élections de cette localité. C’est à partir de ce siège que Patricia Tomaino Ndam Njoya vient tenter sa chance pour la première fois comme présidente de la République du Cameroun. Elle est d’ailleurs l’unique candidat de sexe féminin retenue pour le scrutin du 12 octobre 2025, sur plus de six candidatures féminines enregistrées avant l’examen des dossiers par Elections Cameroon.
Edith Kahbang Walla : la téméraire

Difficile de ne pas garder son nom en mémoire. Tant elle a fait trembler en 2011. Un des 23 postulants au siège de président de la République lors de la présidentielle du 9 octobre 2011, Edith Kahbang Walla termine à la 6e place du scrutin, avec 0,72% des suffrages exprimés. Soit concrètement 34 639 voix en sa faveur. Loin derrière le candidat Paul Biya élu, avec ses 77,99% de suffrages, soit 3 772 527 voix en sa faveur. Avec ce chiffre, Kah Walla occupe le premier rang parmi les deux candidates féminines de ce scrutin. Elle fait surtout penser que c’est possible de donner de la voix; En 2025, Kah Walla fait le choix de ne pas se porter candidate à l’élection présidentielle.
“Kah Walla a des ambitions pour être présidente de la République du Cameroun. C’était mon ambition en 2011. Ça reste mon ambition”, déclarait-elle dans une interview publiée dans les colonnes du quotidien camerounais Le Jour en juillet 2025.
“L’expérience de ces trois élections nous démontre que les élections au Cameroun, c’est du cinéma. C’est une charade. Nous sommes des acteurs dans un jeu où le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir), confond son parti avec l’Etat du Cameroun et nous pousse comme des pions. S’il veut que vous gagniez un peu et que vous ayez quelques sièges dans telle mairie, on vous concède ça. S’il ne veut pas, il vous bloque complètement. Les choses à notre avis sont devenues pires qu’en 2011”, ajoutait-elle lors de l’interview.
Le rêve ne s’est donc pas effondré. Normal, au regard du profil de cette dame. Engagée dans la vie politique en 2007 comme membre du Social Democratic Front (SDF, parti d’opposition), elle va démissionner en 2020 pour rejoindre le Cameroon People’s Party. Avant d’être élue présidente de ce parti en 2011, puis investie comme candidate pour la présidentielle de 2011. Kah Walla est par ailleurs à la tête du cabinet Stratégies!, firme de conseil en leadership et gestion, qu’elle a fondée en 1995. Edith Kah Walla se montre également très active dans la société civile. En 2008, elle fonde le mouvement “Cameroun O Bosso”, en faveur de la participation de citoyens, et particulièrement des femmes et des jeunes. En 2016, elle lance également le mouvement “Stand up for Cameroon”, qui milite pour une transition politique au Cameroun.
Esther Dang : l’économiste

Quasiment personne n’imaginait qu’elle surgirait pour la présidentielle de 2011 au Cameroun. Alors qu’elle a remis sa démission du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (RDPC) parti au pouvoir, le 22 janvier 2010 à René Emmanuel Sadi, secrétaire général de ce parti, Esther Dang s’engage dans la course à la présidentielle un an plus tard. Elle fait partie des 23 candidats retenus pour le scrutin d’octobre 2011. Née en 1945 à Mbalmayo, cette diplômée d’un doctorat es Sciences économiques à l’Université de Paris Panthéon I-Sorbonne va servir l’Etat dans les plus hautes fonctions. Elle va ainsi occuper les fonctions de Directeur général de la Société nationale d’investissement où elle va se démarquer pendant 13 ans de leadership. De ce poste, elle va contribuer à mener plusieurs réflexions sur les politiques publiques et le rôle des investissements privés dans le développement du Cameroun. Pour participer à la présidentielle, Esther Dang s’ancre dans ce sillage à travers sa formation politique: le Bloc pour la reconstruction et l’indépendance économique du Cameroun (BRIC).
Après le scrutin du 9 octobre 2011, Esther Dang va récolter 0,33% des suffrages exprimés, pour un total de 15 775 voix en sa faveur. Avec ce score, elle se place à la 11e position, devant le candidat Olivier Anicet Bilé de l’Union pour la Fraternité et la Prospérité (0,31%) et derrière Bernard Muna de l’Alliance des Forces progressistes (0,38%). Âgée de 80 ans à ce jour, Esther Dang n’a plus jamais postulé à ce poste, depuis les éditions de 20187 et celle de cette année 2025.
Marie Louise Eteki-Otabela : la féministe “rejetée”

Elle aurait pu ouvrir le bal des participations féminines, mais son dossier n’a pas été retenu par l’organe chargé des élections au Cameroun. L’Histoire retiendra en tout cas que Marie-Louise Eteki-Otabela fut la première femme à poser sa candidature pour devenir président de la République en octobre 2004. C’est davantage le courage de briser cet interdit qui la fait rentrer dans l’Histoire des femmes en politique au Cameroun.
Née le 13 avril 1947 à Ebanga dans la région du Centre, Marie-louise Eteki-Otabela est nantie, en 1996, d’un Doctorat en Science politique à l’Université de Québec à Montréal ; après avoir obtenu une maîtrise en sociologie du développement 14 ans plus tôt à l’Université de Paris X en France. Militante engagée pour le droit des femmes, elle contribue à la création de l’association devenue l’Association de lutte contre les violences faites au femmes (ALVF) en 1994, puis le Conseil sur le droit des femmes en 1997. Voix assumée pour la défense des droits des femmes, cette enseignante dans les universités d’Ottawa et de Montréal au Canada va aussi s’adonner à l’écriture pour partager ses idées. Ainsi, elle va commettre plusieurs ouvrages dans lesquels elle partage ses idées. Entre autres, L’Assemblée des peuples camerounais (le Cameroun que nous voulons) Éditions l’Harmattan en 2009 ; 2005 – Face à Face manqué (L’ Harmattan Paris) en 2005, après son échec à participer à l’élection présidentielle ; ainsi que Les Femmes africaines n’ont pas de problème de développement (Ed. ICREF) en 1994.
Et pourtant…

Malgré ces éléments, ces dames semblent ne pas convaincre pour occuper la tête du pays. En effet, les chiffres montrent que malgré leur participation, les femmes peinent à convaincre massivement l’électorat. Exception faite de la candidate Edith Kahbang Walla en octobre 2011. La candidate du Cameroon People’s Party a pu convaincre plus de 30 000 électeurs qui l’ont choisie et lui ont permis de se positionner à la 6e place après Paul Biya, candidat du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (RDPC), élu.
Le scrutin de 2025 va livrer son verdit au terme du vote prévu le 12 octobre 2025. Toujours est-il que la participation des femmes comme candidates est encore un chantier important. Même si celles-ci sont investies dans bon nombre de mouvements ou d’initiatives pour une plus grande participation citoyenne des femmes dans la vie politique du pays.
Alexandra TCHUILEU
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth , financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD).